Les cotisations et contributions au budget de la Sécurité sociale proviennent essentiellement du travail effectué par les Français : quelques 15,9 % de leur salaire brut est versé chaque mois, les entreprises reversent environ 29 % des salaires perçus par leurs salariés et ces sommes sont collectées par l’Urssaf. 9% représentent les contributions collectées par l’État sous forme de taxes comme pour l’alcool et le tabac.
Tout cela représente le pot commun qui finance notre régime de sécurité sociale et que tous : jeunes, vieillards, malades pauvres et plus riches puissent en bénéficier et être soignés.
La botte secrète du gouvernement : prendre dans la tirelire commune des cotisants et rogner sur leur santé !
À partir du 1er octobre 2023, le taux de remboursement des soins dentaires par l’Assurance maladie passera de 70 à 60 %.
Le ministère a confirmé dans un communiqué la prochaine « prise en charge plus large des soins bucco-dentaires par les complémentaires », à hauteur d’un demi-milliard d’euros !
Le gouvernement a beau communiquer en disant que cela ne baissera pas la rémunération des dentistes ni le coût pour les patients, les responsables des complémentaires santé (mutuelles ou assurances privées) protestent et contestent, confirmant qu’il y aura bel et bien des « conséquences sur les cotisations », donc sur les patients, vous et nous. Cela devrait entraîner une augmentation des tarifs des complémentaires dès l’année prochaine !
Ce que la Sécurité sociale ne remboursera plus,les complémentaires devront le prendre en charge et augmenteront en proportion le coût facturé à ceux de leurs clients qui pourront encore se payer les forfaits le permettant.
« Cette décision aura mécaniquement des conséquences sur les cotisations », a indiqué Marie-Laure Dreyfuss, déléguée générale du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). Tout en déplorant elle aussi une « mesure comptable » et « sans aucune valeur ajoutée sur le niveau de soins et de remboursement global des assurés ».
Le gouvernement impose aux Français de payer, en plus de ce qui est déjà prélevé sur le résultat du travail qu’ils ont fourni, une augmentation des cotisations de leurs mutuelles complémentaires, pour ceux qui en ont encore une alors que l’inflation a considérablement augmenté les prix de l’alimentation, de l’immobilier et des produits de première nécessité.
Une casse progressive de notre de système de santé et de sécurité sociale
L’hôpital public se dégrade complètement et ce n’est pas parce qu’il y a moins de lits financés qu’il y a moins de malades et plus de praticiens ! On y optimise tout, même les spécialités et les corps de nos soignants qui doivent être polyvalents, corvéables à merci tout en gardant la même qualité de soin et d’accompagnement : c’est impossible.
Ainsi, la Caisse nationale d’Assurance Maladie a engagé une salve de contrôle contre 6 000 médecins généralistes, les accusant à bas bruit de prescrire trop d’arrêt maladie. En réalité, il ne s’agit pas de mettre fin à des abus avérés, mais de stopper que le gouvernement et elle estiment être une dérive financière… Cette démarche est inique : l’augmentation des arrêts maladie et de leurs coûts sont pourtant logiques quand le gouvernement communique en parallèle sur l’augmentation du nombre d’emplois et de certains salaires. S’il y a plus d’emplois un peu mieux payés, il y a plus de gens susceptibles d’être en arrêt maladie avec des coûts plus chers.
Que dire enfin de la sortie consternante de François Bayrou qui voit dans le haut niveau de remboursement des médicaments un biais de déresponsabilisation des malades et un encouragement à la consommation médicale !?!
Si l’on revient sur les soins dentaires, le gouvernement communique en se justifiant sur sa volonté de mettre l’accent sur davantage de prévention, en visant une génération « zéro carie » et en réduisant le nombre de porteurs de prothèses dentaires !
Les moyens de ses ambitions : la prévention ne signifie pas l’exclusion ou l’éradication.
Ce n’est pas parce qu’il y a plus de gens radiés des chiffres du chômage qu’il y a plus de travailleurs ! Ce n’est pas parce qu’il y a moins de lits financés qu’il y a moins de malades ! Ce n’est pas parce qu’il y a moins de moyens pour soigner et suivre les soins dentaires qu’il y a moins d’appareillages à l’arrivée : par contre encore plus de « sans dent » certainement !
Quand ils n’ont plus de dent on ne peut plus leur en prendre, mais quand ils ne peuvent déjà pas se payer de mutuelle, les Français ne pourront pas plus se payer la pose d’un appareil, c’est certain !
À ce rythme là, avec de la moraline et aucune éthique
À quand une diminution de 10% des remboursements de soins pour les diabétiques de type 2 et des soins pour les artères encrassées et/ou les problèmes cardiaques avec pour objectif la prévention des mauvaises habitudes alimentaires ?
Les pauvres sont aussi le plus souvent les plus exposés à la publicité de notre société de consommation achetant de la malbouffe à bas prix en hard discount, se nourrissant souvent de pâtes et de boissons gazeuses faute de mieux et d’industriels peu scrupuleux ne pourront que se culpabiliser de se faire plaisir avec des addictions encore accessibles !
Cet argument de faire de la prévention en diminuant les remboursements de soins est en réalité discriminatoire, en tous les cas, il illustre parfaitement le principe de violence symbolique conceptualisé par Pierre Bourdieux.
Réfléchir autrement, porter un autre regard que piller et détruire un système qui fonctionnait jusque là, et garantissait à tous un minimum de soins, ça n’est pas au programme … Mieux contrôler et juguler les fraudes de certains professionnels indélicats, les prestations dentaires abusives qui ont récemment défrayé la chronique du fait de pratiques douteuses dénoncées par la profession, au sein de certains centres de soins, ça n’est pas au programme.
Aller chercher l’argent là où il est vraiment, et plus équitablement, procéderait d’une démarche plus juste, pour pouvoir envisager une meilleure prévention que ce soit en termes de soins et d’éducation au sein de nos services publics. Là oui, l’État, la Sécurité Sociale, nous tous en définitive, en sortirions renforcés, nos dents, notre santé physique et psychique aussi !
Pour finir, les déserts médicaux ne concernent pas uniquement les médecins généralistes, les dentistes aussi. Ce n’est pas ce genre de réforme qui va inciter les ruraux à aller plus régulièrement vers les soins et le contrôle dentaire qui font partie eux aussi de la prévention !
Alors que leurs études sont elles aussi financées par l’argent public, ne serait-il pas légitime de fonctionner avec un système de mutations comme pour les enseignants ; la proposition de loi pour réguler timidement l’installation des médecins et des chirurgiens dentistes vient d’être rejetée.
Cette situation d’augmentation des coûts pour les citoyens n’est pas un encouragement à l’installation des praticiens à la campagne non plus. La désertification médicale progresse, les inégalités d’accès aux soins continuent de se creuser aussi.
Après la réforme des retraites imposée, la destruction de notre régime de sécurité sociale, plus insidieuse se poursuit.
Karine Mazot